Bulletin de l'ALEPS
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DE LA RÉPARTITION A LA CAPITALISATION:
L'EXEMPLE CHILIEN

par José PlÑERA

 

Apologie de l’épargne
La mise en place du livret de retraite
Le rôle des compagnies d'assurance
Comment gérer la transition
La liberté du choix
Le coût de la transition
Aujourd'hui 93 % ont quitté le système public.
La nouvelle prospérité des travailleurs
La croissance au Chili


En 1979 nous avions eu au Chili un système de retraite par répartition qui avait plus de 60 ans (commencé en 1925, dix ans avant que les Etats-Unis mettent sur pied leur système par répartition). Au cours de ma vie estudiantine, que ce soit au Chili ou à l'Université de Harvard aux États-Unis, j'ai toujours eu à coeur le problème de la pauvreté. Non pas de la pauvreté chez les jeunes parce que je pense que chacun a la vie devant soi et aura beaucoup d'occasions de s'enrichir si, bien sûr, son éducation a été bien faite, mais de la pauvreté chez les personnes âgées parce qu'il est très clair que celles-ci, et en particulier les femmes (elles vivent plus longtemps que les hommes) ont beaucoup de difficultés pour survivre quand vient la retraite.

Dans mon pays la plupart des personnes âgées connaissent dans leur vieil âge une vie de pauvreté, d'anxiété. Est-ce que le gouvernement va établir un système d'indexation pour leur retraite ? Est-ce qu'elles vont recevoir leur argent ce mois-ci ou l'année prochaine ?

J'ai donc commencé à penser au problème de la pauvreté des personnes âgées, au problème de la dignité humaine.

Comment est-il acceptable de payer 15, 20 ou 30 % de cotisations toute sa vie et ne pas obtenir en fin de carrière une retraite décente ? A cause de certaines circonstances historiques, on m'a demandé d'être ministre du Travail et de la Sécurité sociale. J'ai saisi cette occasion pour résoudre ces problèmes absolument extraordinaires qui affectaient beaucoup de mes concitoyens et en particulier la classe des travailleurs.

Bien sûr, lorsqu'il y a de grosses difficultés, un ministre peut toujours remettre à plus tard le jour où il faudra prendre le problème à bras le corps, et le laisser ainsi à ses successeurs. On peut alors augmenter les impôts un petit peu, mais je ne pense pas que ce soit une façon très responsable de gérer les affaires publiques. Je pense que lorsqu'on a l'occasion d'être le serviteur du peuple, il faut utiliser, cette brève rencontre avec le pouvoir pour éviter de devenir un politicien professionnel. Il faut véritablement utiliser sa vie politique pour faire ce qui est bon pour son pays et nous pensions que la seule façon de résoudre une fois pour toutes le problème de la pauvreté et de la vieillesse était d'entamer une réforme structurelle afin de sauver le système des retraites par une transformation radicale.

Nous pensions qu'il était extrêmement important, tout particulièrement à ce moment là, d'avoir un système qui permettrait aux travailleurs d'épargner pour leur retraite. L'optimum, bien sûr, serait d'avoir un système volontaire, mais, depuis des siècles, les citoyens et les travailleurs pensaient que le gouvernement allait s'occuper d'eux, rendant difficile un changement radical rapide.

Je voudrais vous expliquer ma démarche sans vouloir en faire une panacée applicable à tous les pays. Je crois au pouvoir des idées, à l'universalité, mais je crois également aux différences de traditions, de culture, de conditions économiques et sociales. Cela signifie que les solutions doivent être appliquées différemment dans chaque pays. Si j'explique notre système avec beaucoup d'enthousiasme, n'en prenez pas ombrage, c'est en effet une expérience que je veux partager afin que vous trouviez vous-même une solution.

Apologie de l’épargne

Notre idée fondamentale a été de permettre à chaque travailleur chilien, en particulier les plus pauvres, de tirer profit des forces extraordinaires de l'intérêt. C'est-à-dire que si vous avez épargné toute votre vie, vous recevrez l'intérêt de votre épargne et vous savez que vos épargnes s'accroissent exponentiellement tant que vous ne les retirez pas. Bien sûr, cette idée d'intérêt est bien connue par les financiers mais les travailleurs au Chili et de par le monde ne peuvent pas tirer profit de ces forces extrêmement puissantes parce qu'à la fin du mois, après avoir dû payer des cotisations, pour toutes les nécessités de la vie courante, très peu de travailleurs peuvent avoir une épargne supplémentaire afin de créer une certaine richesse qui leur permettra de prendre leur retraite.

Dans les pays développés, de plus en plus de travailleurs sont en mesure d'épargner dans des systèmes privés et je suis tout à fait en faveur de ceux-ci, mais dans de nombreux autres pays ils n'ont pas les moyens de cette épargne supplémentaire. Je voudrais souligner ce point, car la réforme que nous avons entamée au Chili et que j'ai supervisée au cours des 17 dernières années, s'adresse parmi les travailleurs en particulier aux pauvres et non aux riches qui peuvent toujours avoir un système d'assurance, avoir des plans d'assurance vie. Les personnes qui souffrent véritablement lorsqu'il y a des changements démographiques sont les travailleurs les plus pauvres : leurs profits vont être réduits et les cotisations augmentées. La manière donc de faire profiter les travailleurs des intérêts composés était de leur permettre, sur une base volontaire de choisir soit de rester dans le système de retraite gouvernementale, soit d'utiliser la somme de leurs cotisations et de l'investir dans un compte de retraite individuel.

La mise en place du livret de retraite

Au Chili nous avons donc décidé de donner aux travailleurs plus de liberté de choix, nous leur avons dit « vous pouvez rester si vous le désirez dans le système d'état si vous avez confiance, mais nous vous permettons d'utiliser ou de transférer vos cotisations dans un système privé ». Chaque travailleur au Chili dispose d'un livret-retraite. C'est un livret où son épargne est inscrite chaque mois, il sait exactement quel est le rendement de cet argent, investi de manière très sûre sur des bons et des actions. Il peut se rendre à la caisse qui gère son argent, insérer son livret et savoir immédiatement de combien il dispose pour sa retraite.

Après 16 ans l'épargne moyenne d'un travailleur chilien (et n'oubliez pas que nous sommes un pays en développement) est de 25 000 dollars. C'est plus que l'épargne moyenne d'un travailleur nord-américain! Lorsque le travailleur chilien arrivera à la retraite, il aura 100, 200 000 dollars et il pourra continuer à contrôler cette somme tous les mois. Cela lui donne un sens de la propriété, un sentiment de dignité, de sécurité, cela le rend moins dépendant de l'employeur, des syndicats, des politiques. Chaque mois, ma secrétaire se rend à la banque, insère son livret et me dit ensuite ce dont elle dispose. Elle sait qu'elle a une indépendance financière. C'est vrai que je la traite bien, mais elle veut me montrer par là, clairement, qu'elle s'enrichit de mois en mois. Ce n'est pas une millionnaire mais elle sera suffisamment riche pour détenir un bon capital lorsqu'elle décidera de prendre sa retraite. Nous avons également changé le concept de l'âge de la retraite, permettant aux travailleurs de quitter la vie active lorsqu'ils le désirent. Tout ce que nous voulons c'est qu'ils accumulent une certaine somme d'argent pour qu'à la fin de leur vie active ils n'aient pas à attendre la charité du gouvernement.

Le rôle des compagnies d'assurance

Plusieurs sociétés d'assurance vont voir les travailleurs, et leur expliquent leurs avantages comparés à d'autres, certains ont des pensions très généreuses pour la famille, d'autres vous permettent de désigner des héritiers lorsque vous décédez. Toutes ces compagnies sont indexées sur l'inflation parce que les personnes âgées veulent surtout en être protégées. Tous les bons, les titres sont indexés. L'idée de base, en fait, c'est qu'à la fin de sa vie active, chaque travailleur dispose de son propre capital.

Vous pouvez peut-être vous demander ce qui se passe si quelqu'un a toujours eu un travail mal payé ou lorsqu'il a été au chômage pendant 10 ans et qu'il n'a pas suffisamment accumulé d'argent sur son compte-épargne pour avoir ce que la société appelle un « revenu minimum ». A ce moment-là, le gouvernement utilise un fond de solidarité pour remplir le compte de ce travailleur pour que chacun dispose d'une retraite minimale décente. Ce fond de solidarité n'est pas financé par des cotisations, car celles-ci tuent les emplois. Au Chili les charges salariales sont proches de zéro et nous sommes au bord du plein emploi depuis une décennie. Nous avons obtenu un système d'épargne pour la retraite. Épargner, investir plutôt que payer des taxes.

Les travailleurs peuvent choisir parmi différentes sociétés (je montre toujours différents livrets de retraite pour ne pas faire de publicité pour l'un ou l'autre). Il y a plus de 15 compagnies d'assurance. Si dans une compagnie un, travailleur n'apprécie pas le service ou si le rendement n'est pas bon, il peut en choisir une autre, ayant un meilleur portefeuille, qui a mieux investi sur les marchés. Ce sont donc des livrets compte-épargne transposables.

Dans un continent en pleine expansion, nous avons exporté cette idée dans 7 autres pays d'Amérique latine et ces livrets sont transférables d'un pays à l'autre. Je pourrais célébrer 3 ans de ce système en Argentine et certains travailleurs chiliens ont pris des livrets argentins. Ils sont passés d'une compagnie d'assurance au Chili à une compagnie en Argentine sans perdre un sou et je pense que la mobilité des travailleurs comme celle des capitaux est un des éléments cruciaux pour un processus d'intégration qui doit être couronné de succès.

Comment gérer la transition

Le gouvernement, comme je l'ai signalé, a établi certaines règles. Il y a 17 ans au Chili nous n'avions pas de marché boursier sophistiqué. Nous avons adopté une approche que j'ai toujours trouvée risquée, audacieuse passant de la répartition à la capitalisation avec une exécution prudente et conservatrice. Cela signifie que pendant la période de transition, le gouvernement a établi une législation pour que les compagnies d'assurance investissent l'argent des travailleurs sans risques. Nous ne leur avons pas permis de placer tout l'argent sur une action, un bon, ou une trop grande concentration.

Avec le temps nous pensons, bien sûr, que ces règlements devraient être libéralisés pour permettre une plus grande compétitivité et une plus grande diversité. Mais je pense que si vous désirez des réformes vous devez être très attentifs au processus de transition. A long terme je suis pour une plus grande liberté possible et il faut décider de régimes qui fonctionnent, qui peuvent convaincre les travailleurs que le système ne se trouvera pas un jour en situation difficile. C'est très important au Chili et lorsque j'ai expliqué ce système aux travailleurs du pays, je ne leur ai pas dit qu'ils allaient obtenir 10 % cette année au lieu de 6 %. Bien sûr que cela fait une différence sur 40 ans, mais ce que je voulais leur dire, en fait, lorsque j'ai sillonné le pays, c'est tout simplement que le nouveau système serait sûr.

La liberté du choix

La première chose qu'un travailleur devait décider, était de rester dans le système gouvernemental ou de passer dans un système par capitalisation, et sa première préoccupation était la sécurité et ses différents aspects, la rentabilité venait au deuxième plan.

Mais le système ne doit pas être vendu sur la base d'une rentabilité la plus élevée possible, mais sur un taux raisonnable avec une sécurité maximale pendant la transition. Nous sommes très fiers de dire qu'en 17 ans, depuis la mise en place du système social au Chili, les travailleurs chiliens n'ont pas perdu un seul peso en raison de fraude ou de mauvaise gestion. En ce sens, il y a eu un changement de paradigme. Plutôt que d'avoir un gouvernement gérant, organisant, réglementant les systèmes de retraite, nous lui donnons le rôle de garant du système, il assure la sécurité, il assure une période de transition avec une composante obligatoire plafonnée à 10 % des cotisations.

Lorsque le PNB augmente, les cotisations ou la composante obligatoire du système diminuent. En fait, ce plafond est resté constant durant les 17 dernières années. Progressivement nous éliminons cette composante obligatoire et les travailleurs apprennent à maîtriser eux-mêmes leur vie et leur retraite sans le gouvernement.

Voilà dans les détails comment fonctionne notre système, mais il y a également des inconvénients. Il faut tenir compte de tous les éléments de la société d'un pays pour créer les conditions d'un compte épargne retraite privé pour que les gens ne gagnent pas seulement de l'argent pendant leur vie mais qu'ils se constituent en plus leur propre capital.

Dans la plupart des pays, une partie minime de la population détient les richesses, les autres ne faisant que travailler pour subvenir à leurs besoins. Les travailleurs chiliens sont eux, en revanche, propriétaires, ce qui permet une certaine cohésion sociale et assure au pays une stabilité économique et politique au cours des dernières années.

Le coût de la transition

Sans entrer dans les détails économiques très complexes du financement de cette transition, elle a un coût. La dette flottante non consolidée du système de répartition existe. Pour passer d'un système à l'autre il y a une exigence de liquidité pour que le budget du pays tienne compte de la réforme mais le PNB ne diminuera pas, tout au contraire. La valeur actuelle du PNB d'un pays augmente lorsqu'une réforme structurelle se fait.

Ce ne sont pas des coûts mais des avantages économiques considérables que pourra vous apporter le passage de la répartition à la capitalisation. Il y a deux règles sur lesquelles je voudrais mettre l'accent. Je pense qu'au Chili, à l'époque, ce qui était crucial, et que j'ai dû expliquer longuement à la population, c'est qu'à l'exception de certains systèmes très privilégiés, nous avons garanti aux personnes âgées qu'elles continueront à obtenir leur retraite même après la réforme. Je leur ai dit « ne pensez pas que nous allons enlever son chèque à votre grand-mère ». Il est injuste de dire aux gens, « vous êtes vieux, vous avez cotisé toute votre vie, vous allez supporter les coûts de la transition ». Nous ne l'avons pas fait.

Dans mon pays, en Amérique latine, en Europe, moins aux États-Unis, certains régimes sont très privilégiés en raison du pouvoir politique de certains groupes. C'est un débat de société pour maintenir ces avantages. Au Chili par exemple, les employés des banques, en raison de la pression très importante qu'ils ont exercée sur les politiques, pouvaient partir en retraite après 20 à 25 ans d'activité. Il y avait donc des jeunes de 40 à 45 ans à la retraite. Nous n'avons pas garanti ces privilèges. Nous avons garanti le régime général, celui appliqué à 90 % de la population, les plus défavorisés notamment. Nous leur avons dit que les bénéfices, les indemnités ne seront pas concernés par la réforme, bien au contraire nous garantissons un minimum.

Deuxième règle importante, nous avons donné à tous les travailleurs en activité le choix de rester ou de quitter le système. C'était un élément fondamental, très peu de réformes se faisant sur une base volontaire. On m'avait bien demandé ce qui allait se passer si personne ne quittait le système général. J'ai mis en place ce système un 1er mai, fête du travail, symbole important. J'ai dit aux Chiliens qu'ils avaient la liberté de choisir leur système de retraite, certains amis m'ont dit oui tout de suite mais cela n'était pas suffisant. On m'a bien prévenu que si je faisais cette erreur politique j'allais en subir les conséquences et en payer les frais.

Si vous êtes fonctionnaire il faut savoir prendre des risques si vous êtes convaincu que votre mesure est bonne. Je crois et en Dieu et dans les travailleurs! Pendant le premier mois de mise en application de ce système, 25 % de la population active avait décidé de quitter le système public et de cotiser dans un compte retraite.

Aujourd'hui 93 % ont quitté le système public.

Il y a eu un référendum social sur le système puisque les travailleurs chiliens étaient en mesure de dire non. Ceux qui ne l'ont pas quitté, je les respecte ; ce sont des personnes qui ont eu peur du nouveau système.

La troisième règle de la transition est importante : les nouveaux entrants, les jeunes de 16 à 18 ans, vont obligatoirement dans le nouveau système, sinon le système public ne serait pas viable. Tous les nouveaux travailleurs sont obligés de s'affilier au régime privé. Les plus jeunes qui n'ont pas cru à ma réforme, resteront dans le système mais, au moment où ils arriveront à la retraite, l'ancien système n'existera plus.

La nouvelle prospérité des travailleurs

En conclusion, première règle : prospérité des travailleurs. Je voudrais souligner que nous n'avons pas voulu une augmentation des marchés des capitaux. C'est très important, mais même si la réforme n'avait pas obtenu le résultat actuel, les travailleurs ont obtenu au cours des 16 dernières années un rendement de leur épargne de 12 % au-dessus de l'inflation, soit trois fois plus que le taux que j'envisageais à long terme. Il est possible que la situation se détériore à l'avenir, je n'en sais rien.

J'avais expliqué ce système avec un rendement de 4 % aux travailleurs chiliens pour ne pas donner des chiffres heureux comme annoncés ailleurs. Les Chiliens ont accumulé une grande richesse. Dans une thèse de doctorat au Chili il a été dit que sur 35 milliards de dollars accumulés sur les comptes retraite, 15 milliards sont des cotisations réelles, les 20 milliards restant sont le produit des intérêts que les travailleurs n'auraient pas obtenu si le système avait été différent. Quinze milliards de cotisations, 20 milliards d'intérêt composé après 16 ans seulement.

Bien entendu aucun politique n'osera toucher à l'épargne. En 1985, lorsque le rendement a diminué en raison de l'effet Tequila mexicaine, nous nous sommes dit qu'il faudrait peut-être modifier le système. La plupart des travailleurs ont dit non, nous avons obtenu 12 %, nous comprenons et acceptons que le marché fluctue. Ils ont accepté que- le rendement soit de moins 2,5 % pour une année seulement après 14 ans à 12 %. Malgré cela, les gains sont considérables pour les travailleurs.

Lors de la conférence du Cato à Londres certains ont critiqué leur système, comme les Britanniques, en raison de sa complexité avec des quantités considérables de lois. Notre système est très simple. Ce livret qui vous donne chaque mois le montant de votre capital est un filet de sécurité. Ce n'est pas un système compliqué. La transition n'exige pas de simulations économiques complexes.

L'idée de base doit être simple car, plus elle est claire plus vous obtiendrez le soutien de la population, toutes les réformes doivent être comprises et approuvées par la population. Le résultat pour les travailleurs était plus de liberté de choix, plus de dignité, plus de prospérité.

La croissance au Chili

D'autres intervenants également ont parlé des avantages macro-économiques. La croissance au Chili a été importante en raison de cette réforme. Quelle réforme peut contribuer autant à la richesse ou à la prospérité d'un pays ? L'épargne au Chili est de 26 % du PNB. Le taux de croissance du PNB a été de 3 % par an au début et de 7 % au cours des 12 dernières années. Lorsque vous avez un taux de 7 % par an cela signifie un doublement de votre PNB tous les 10 ans. En 20 ans notre PNB aura été multiplié par 4 ! Cela vous permet de changer la vie des gens.

C'est une révolution économique, politique et sociale. Je ne suis pas un expert du système français, mais j'essaierai de dire quelques mots en tant qu'observateur parce que j'ai certaines compétences.

Le système français ou « l'effet Titanic »

Je pense que votre système a le même problème structurel que le système chilien avait à l'époque. Le système par répartition ressemble en fait au Titanic qui s'est dirigé directement sur l'iceberg. On pensait que ce bateau ne pouvait pas couler. Mais l'iceberg est devant vous. Comme vous le savez un iceberg a une partie cachée et une partie au-dessus de l'eau, celle du dessous est la plus importante, c'est la menace démographique.

La plupart des gens parlent du vieillissement de la population, il y a donc une prise de conscience du problème. Il y a de plus en plus d'avertissements, mais ce qui me préoccupe est que sous l'eau il y a cet immense iceberg, cet immense problème structurel de la répartition qui détruit les liens entre les cotisations versées par un travailleur et les bénéfices qu'il en retire. Nous savons que le bénéfice est défini par le processus politique qui peut varier après une grève ou un changement de gouvernement. Si dans votre vie vous cassez ce lien entre l'effort et la récompense c'est très grave et c'est pourquoi les politiques offrent de plus en plus d'avantages et la population ne voit pas clairement qu'elle paye pour ces bénéfices.

Le vieillissement de la population est connu, tout le monde peut l'expliquer. Tout le monde peut vous dire que si vous voulez plus il faut travailler plus, épargner plus, mais le système est pervers car le gouvernement donne des avantages à des groupes puissants et n'explique pas la situation à l'ensemble de la population.

Il est très difficile de changer le cours du Titanic s'il n'y a pas de dirigeants au sein de la société, désireux d'expliquer aux passagers qu'il y a un iceberg devant eux. Il n'y a pas seulement la composante démographique, il y a surtout la structure de base du système. La bonne nouvelle est qu'il y a une alternative, la possibilité de transférer les passagers sur un autre bateau. Sur le système de répartition, on va dire qu'il est difficile de transférer les passagers d'un bateau à l'autre en haute mer, mais c'est bien plus facile de le faire avant la collision avec l'iceberg que de le faire après. Il n'y a pas d'impossibilité en matière de transition. Elle est complexe, elle est difficile mais on a le temps de la gérer pour le bénéfice de la part la plus vulnérable de la société. Lorsque la collision sera là, il sera trop tard et c'est injuste vis-à-vis des éléments les plus faibles de la société. Dans un grand nombre de pays, le capitaine ne rejoint pas les passagers dans la salle de bal pour danser avec eux. Il faut qu'il explique la nature réelle du problème : il y a un iceberg dressé devant eux. Il serait moralement honnête d'expliquer aux Français les deux systèmes répartition ou capitalisation et je pense que la population comprendrait.

 

Mis sur intenet par l'ami du laissez-faire.