LE SOCIALISME, PORNOGRAPHIE DE LA SOLIDARITÉ

 

Question. - Que vient faire la pornographie là-dedans ?

Réponse. - Je n’ai pas pris le mot dans son sens étymologique. Pour moi, est pornographique ce qui se pratique sans amour. Et il y a beaucoup de ces gestes dénués d’amour qui appauvrissent notre quotidien : la nourriture ingurgitée sans la goûter et sans conscience qu’elle nous relie à notre environnement, la musique-bruit de fond, et tant d’autres. Au même titre, je qualifie de pornographique le travail quand il devient la corvée salariée et répétitive et le socialisme aussi.

Le socialisme promet une société généreuse. Pour lui, elle s’appelle redistribution forcée des revenus et mutilation des patrimoines. Passés quelques décrets et quelques dizaines £années, l’apparence comptable et statistique du pays sera d’une société plus égalitaire. Mais entre les gens, les regards n’auront pas changé, on n’aura Pas fait naître l’ombre d’un sentiment plus fraternel.

Car les gestes de la solidarité ne sont pas la solidarité. Pour te l’illustrer d’une histoire archi-connue, suppose qu’un général de la légion romaine ait ordonné au centurion Martin de partager son manteau. Le résultat matériel eût été le même, un pauvre à demi-réchauffé, un nanti à demi-grelottant. Mais où est la solidarité ? Chez le général, qui ne se découvre de rien ? Chez le centurion, qui ne peut qu’obéir ?

Une société n’est jamais solidaire. Seuls des hommes libres le sont. Une société peut être redistributive, coercitive. Certains individus ou groupes de pression peuvent imposer à d’autres individus de partager leurs biens. Ils modifient les comptes en banque, ils ne font qu’empoisonner les rapports humains. Ils changent le " niveau de vie ", ils ne rendent pas les hommes plus solidaires.

La solidarité échappe au politique. Elle n’est pas imposable. Elle procède d’un mouvement intérieur, non calculé et imprévisible (spontanéité effrayante pour le socialisme qui ne se reconnaît que dans la planification et le contrôle). La solidarité comporte toujours un risque qui est sa condition même. Il fallait que le mendiant n’ait aucun "droit au" manteau pour que quelque chose se passe, un mouvement se porte vers lui (un geste qui n’a cure de reconstruire l’ordre économique du monde et se satisfait, lui, de bouleverser la vie). C’est dans le vide du règlement que naît la solidarité. C’est dans le respect des Droits, et donc l’absence d’impositions légales, que peuvent se densifier les relations humaines.

Q. - Est-ce que l’autre n’a pas de droits sur moi comme j’en ai sur lui ?

R. - En l’absence de contrats spécifiques que votre liberté aurait pu inventer, aucune personne physique n’a de droits sur toi. Le fait de partager la même humanité ou la même collectivité, voire le même sang, ne me permet pas de te rançonner. Je peux pleurer misère à tes pieds, je n’en deviendrai pas pour cela créancier d’un centime de ton salaire. Mais je crois aussi que je peux te faire con

fiance, tu m’aideras. Car, parce que nous sommes libres, nous avons des valeurs et l’une d’entre elles s’appelle solidarité. Elle fonde notre vie collective d’hommes sur la terre. Je n’ai aucun droit à une partie de tes revenus, mais tu as le devoir moral de me soutenir. Aucun fonctionnaire ne saurait te l’imposer, car quel sens aurait un partage sous la menace ? On ne donne que ce qu’on a la liberté de donner.

Le socialisme a réussi ce paradoxe d’avoir détruit nos relations personnelles et de nous avoir obligés par des relations d’affaires que nous n’avons pas contractées. Nous sommes devenus créanciers, sans titres, les uns des autres. Peut-être un reste de fraternité nous motive-t-il parfois, mais il est dur à discerner. Dur d’imaginer dans le chèque envoyé au percepteur une marque de connivence, dur d’entrevoir un sentiment d’amitié dans la "contribution".

Payer n’est pas être généreux. Ou alors, vénérons la bonté des milliardaires, les plus saints des hommes puisqu’ils versent tant d’impôts ; c’est ridicule. Ils ne sont pas "justes" ni "solidaires" tous ceux qui la bureaucratie a pris dans ses filets (pas plus que n’étaient chrétiens les malheureux colonisés que les conquistadors encadraient jusqu’aux églises). Il n’y a de morale que dans la liberté. Mais voilà, il est plus facile de commander que de convertir. Le travail dans les consciences est invisible, donc frustrant. Pourtant c’est le seul qui peut briser nos solitudes face aux bureaucraties. Si nous voulons édifier une cité quelque peu fraternelle, il faut commencer par éduquer longuement et patiemment le sens du devoir, la responsabilité de chacun d’entre nous envers ceux qu’il peut aider. Le socialisme choisit une autre voie, celle de la contrainte. La connivence, que l’homme de liberté veut apprendre à la société, l’Etat central socialiste la décrète et la tue - en lui interdisant toute spontanéité. Ainsi l’homme de gauche n’annonce la société solidaire que comme la prostituée promet l’amour. L’un et l’autre ne peuvent offrir que des simulacres (ivresse passagère et frustration). Ils instaurent le règne du faire-semblant ou, si tu préfères une image plus forte, de la pornographie généralisée.

Les social-démocraties nous coûtent cher pour cette mission impossible d’éradiquer les misères. Faute d’y parvenir, bien sûr - on est toujours le pauvre de quelqu’un elles cachent ce qu’elles ne peuvent éliminer. Comme autrefois les Victoriens rendaient incompréhensible la sexualité en refusant de la nommer, les social-démocraties engendrent un " social " impraticable en le couvrant d’un voile de honte. Que le handicapé devienne une personne à mobilité réduite, le chômeur un travailleur en quête d’emploi, que le vieillard atteigne le troisième âge, n’est pas qu’une tournure précieuse et ridicule du langage bureaucratique. Cela traduit l’angoisse des planificateurs de la société de nommer les phénomènes que leur prétention à gérer les gens comme des choses ne prendra jamais en compte : tares physiques et fragilités, génie, déviations morales, idées nouvelles, caprices de foules et désenchantements... Hélas pour le Plan, il y a des hommes ! Il se déroulerait tellement mieux s’ils n’étaient pas là. (Le socialisme n’aime pas les hommes, éternels comploteurs et saboteurs. Les effusions entre camarades de la guerre des classes ne sont pas celles d’êtres qui se reconnaissent dans leur individualité, mais celles de bons serviteurs de la Cause qui n’ont de plaisir à se retrouver que pour la faire progresser).

Au moins les riches, autrefois, " voyaient " la pauvreté. Ils la côtoyaient sans cette honte qu’elle nous inspire de nos jours. D’innombrables gravures nous montrent la visite aux nécessiteux, aux hospitalisés, aux prisonniers. Et mendier au nom du Christ était peut-être moins humiliant que de faire semblant d’avoir " droit " à l’argent pris aux autres en attendant d’un fonctionnaire l’allocation-chômage. Aujourd’hui, bien peu ont le courage de " toucher " la misère -sinon en professionnels - et moins encore ont l’humanité d’accepter d’être surpris dans ce qu’ils appellent leur déchéance. Qui ose voir dans le plus fortuné son prochain ? Qui ose suggérer qu’il puisse souffrir en esprit autant qu’un pauvre hère dans son corps (pensée hérétique pour un pays qui a fait du partage des revenus son idéal) ? En fait, il n’y a plus de prochain. Le socialisme construit le monde sec des titulaires de faux-droits.

Il complète l’oeuvre entreprise par l’idéologie technicienne au siècle dernier : éviter le face-à-face des hommes, médiatiser leurs rapports par la bureaucratie. L’Etat-providence quadrille toujours plus serré ce qui appartient aux relations interpersonnelles. Sa morale méconnaît l’homme dans ses possibilités de créativité et de générosité, increvable, " voleur des énergies ", il frustre l’éveil de tout sentiment fraternel. Il nous déresponsabilise face au sort des autres. Quand les enfants cessent de plaire, nous les confions à ses éducateurs spécialisés ; si nos vieux ne sont plus raisonnables, nous les déposons à ses asiles ; pour le voisin malade, nous comptons sur ses assistantes sociales et sur l’ANPE pour le copain chômeur. La parenté, les amis sont là pour ma satisfaction ; que l’administration se charge de leurs difficultés. Après tout, je paie des impôts pour ne pas entendre geindre !

Je voudrais que tu t’inquiètes avec moi, quel " socius ", de quel socialisme est donc en train de naître ?

Q. - Je m’inquiète, je m’inquiète. Mais ton discours ne me fait-pas oublier ceux là-bas qui subissent quotidiennement la pauvreté, les poursuites pour dettes, les expulsions. Ils ont besoin de la sécurité que confèrent leurs droits. Leur survie ne peut dépendre de l’humeur plus ou moins généreuse de nos concitoyens.

R. - Contre qui ont-ils un droit ? Celui qui est sans abri réclame le droit au logement, l’agriculteur réclame le droit à des prix élevés pour ses produits, le malade le droit à la santé, mais tous ces droits n’ont de valeur que si quelqu’un en face s’est engagé à les fournir.

Q. - C’est évidemment la société qui doit garantir ces droits.

R. - Ce qui ne veut rien dire. D’abord, me semble-t-il, agriculteurs et mal-logés font partie de la société. Comme ils ne vont pas se garantir eux-mêmes, c’est bien à des groupes précis et pas à la société toute entière que tu veux que cette responsabilité incombe.

Nous nous comprendrions mieux si nous réfléchissions à cette notion de droit. La société, par son gouvernement, peut me reconnaître le Droit de réaliser certaines actions. Il lui suffit de ne pas les interdire. Mais si elle me donne le " droit à " certaines prestations, il faut qu’elle trouve quelqu’un qui me les fournisse. Pour que mon " droit au travail " soit autre chose qu’un slogan, il faut qu’une entreprise soit astreinte à m’embaucher. En d’autres termes, le Droit de... est la simple levée d’une interdiction, le " droit à... " est la contrepartie d’une obligation. Cette obligation peut résulter d’un contrat volontaire, mais si elle est imposée par l’Etat, elle est liberticide. La puissance publique ne doit pas se mettre au service de certains citoyens pour contraindre d’autres.

Elle le fait pourtant. Elle se justifie en prétendant que la liberté formelle n’a pas de sens. Il faudrait aux citoyens la "liberté concrète ". Par exemple, le Droit de se déplacer à l’étranger, formellement reconnu à la plupart des Occidentaux, fait sourire jaune le paysan tenu de traire ses vaches matin et soir, ou le manoeuvre qui consacrerait un mois de salaire à passer deux jours en Suisse. Le rôle du gouvernement serait donc d’assurer aux plus démunis les moyens matériels de jouir de leurs droits. Mais si j’ai besoin de travail et que je réclame une loi qui m’en procurerait, ce que je veux vraiment, c’est que

l’Etat désigne un employeur à qui échoirait, le malheureux, l’obligation de m’embaucher. Sinon je n’obtiendrai qu’un voeu pieux. Ma conception de la liberté concrète viole donc un principe absolu de la liberté tout court qui veut qu’elle s’arrête là où commence celle des autres. Vouloir être " libre concrètement ", dans ce sens, c’est aspirer à exercer un pouvoir qui porte atteinte aux droits des autres.

Seules les libertés " formelles " peuvent être reconnues également à tous les citoyens. Pas les libertés " concrètes ". Le gouvernement peut proclamer : n’importe qui est libre de produire un film. Il ne peut pas accorder à tout le monde les moyens techniques et financiers de le réaliser. Si le gouvernement ne peut pas aider tout le monde, plutôt que de privilégier quelques-uns (naturellement, ceux qui sont politiquement puissants), il ne doit aider personne. Les libertés " concrètes " ne pourraient être goûtées que par les habitants d’une planète où les ressources excéderaient les désirs. Comme les humains sur la Terre ne sont pas dans cette situation, c’est à l’Etat d’assumer à chacun également les droits d’agir et aux gens de créer les moyens.

L’Etat-providence part du postulat qu’il lui incombe de satisfaire tous les " besoins " des hommes. Mais ceux qui bénéficient de ses largesses n’auraient envers la collectivité aucune obligation. Sur le plan économique, la proposition est insoutenable, l’Etat-providence est en banqueroute. En plus, je crois qu’elle est irrecevable moralement.

Car la relation entre Etat et citoyens est tissée de droits et d’obligations réciproques. L’Etat nous garantit certaines sécurités ; en contrepartie, nous obéissons à ses lois, payons nos impôts, etc. La société politique se vit dans cet échange. À l’inverse, dans l’univers social démocrate, il ne se noue aucune relation. Tout y coule à sens unique. Le citoyen disparaît, réduit à la notion de mineur incapable.

Pour illustrer d’un problème concret : nous connaissons des chômeurs, par exemple des jeunes qui cherchent un premier emploi, et nous savons qu’il existe des emplois dont ces jeunes ne veulent pas. Si le devoir de la société est d’offrir à tous un job plaisant et bien rémunéré, elle doit effectivement compenser le dommage causé à ceux qui ne trouvent pas un emploi à leur goût. Mais si la société n’est pas liée par un tel engagement (et quand l’aurait-elle souscrit ?), celui à qui elle verse une rente chômage, ne devrait-il pas accepter rapidement un travail que le marché lui propose ? Autrement dit, qui a une obligation envers l’autre ?

Pourquoi la collectivité devrait-elle perpétuellement banquer sans rien oser escompter en contrepartie ? Dans une relation adulte, chacun prend et donne tour à tour. Ce n’est pas ainsi que fonctionne notre système puisque nous affirmons à un grand nombre d’individus qu’ils ont le droit de toujours exiger plus et qu’il ne leur sera jamais rien demandé en retour. On attend d’enfants et pas de citoyens qu’ils soient dans cette situation de tutelle. Or cette infantilisation cache un réel danger, celui d’une emprise de l’Etat qui ne serait plus le fait de sa milice et de ses sbires, mais du sentiment de dépendance et d’irresponsabilité qu’il instille patiemment à ses administrés. " Sans moi, nous souffle-t-il, vous vous égareriez dans la jungle économique et cruelle ; moi seul sais vous protéger et pourvoir à vos besoins ". La résistance à la sujétion, parfois les armes à la main, est un legs de notre histoire. Mais ici, qui parle d’oppression ? Le discours de nos maîtres est tout empreint de bienveillance. Nous les avons élus, constitutionnellement. Ils nous promettent une société douce et ne demandent en échange - à mots couverts - qu’un peu de soumission. Nos sociétés ne sont pas prémunies contre un mal insidieux et qui en appelle précisément à leurs désirs inavoués. Car entre la liberté et l’étable, bien qu’ils se vantent du contraire, les hommes rarement choisissent la vie au large. Nos démocraties modernes sont viciées au profond d’elles-mêmes car elles nous permettent de refuser le cadeau de la liberté qui nous est dû.

Q. - Et pourquoi cela ?

R. - Dans une démocratie, le parti politique qui veut se maintenir au pouvoir doit calmer les revendications. Celui qui brigue l’élection doit acheter des voix. Comment ? En offrant, ou en promettant d’offrir aux` électeurs toutes sortes de services. S’il n’y avait pas de concurrence entre les partis, 51 % de la population vivrait aux crochets des 49 % restants. Mais ceux qui sont dans l’opposition n’entendent pas y rester. Pour accéder au pouvoir, il leur suffit de détacher quelques pour cents des voix du bloc majoritaire. Ce n’est pas difficile si l’on peut faire miroiter à ce petit nombre des avantages substantiels. Il faudra bien payer ces avantages, mais la charge sera éparpillée sur l’ensemble de la population, surtout celle de l’autre camp. Les contribuables, nombreux et inorganisés, présenteront d’autant moins de résistance que chacun, dans son coin, espérera bien bénéficier de la prochaine tournée.

Ainsi, entre les riches et les pauvres, se structure une classe médiane qui organise à son profit la redistribution des revenus. C’est de son vote que dépend l’orientation des coalitions gagnantes. Si les pauvres veulent obtenir des transferts sociaux en leur faveur, il faut qu’ils s’attirent la bienveillance des classes moyennes. Si à l’inverse les classes les plus riches veulent éviter que ces transferts ne soient confiscatoires, il leur faut aussi acheter la complicité de cette population médiane. Tu as peut-être oublié, dans cette froide arithmétique électorale, que nous parlions de solidarité et de " justice sociale ". Nous y revenons. Car c’est au nom des déshérités, bien sûr, que s’opèrent les transferts sociaux. Mais les " plus pauvres ", par définition, ne représentent jamais que, disons, 10 %-15 % de la population électorale, pas assez pour gouverner. Une alliance avec une partie de la classe moyenne leur est indispensable. Majoritaire, cette alliance pourra gaillardement taxer la minorité. Seulement, pour que disparaisse la pauvreté, les plus démunis devraient recevoir en moyenne plus que les autres membres de la coalition. Il n’en est rien évidemment, le sens de l’altruisme n’est pas nécessairement plus répandu dans les classes petites-bourgeoises qu’ailleurs (il faut voir comment elles se cramponnent aux " avantages acquis "). Si bien qu’après trente ans de redistribution, les riches sont moins riches mais les pauvres sont toujours aussi pauvres. Entre les deux s’est insérée une large classe de cadres, d’agriculteurs, de fonctionnaires, de techniciens, qui a capté à son plus grand profit l’effort de " solidarité ".

La profusion de preuves fatigue la vérité. J’en citerai trois ou quatre.

- En Europe, les Etats interviennent massivement et constamment pour empêcher les prix agricoles de baisser. Le prétexte est de " garantir la survie " des petits agriculteurs ; la conséquence est d’assurer un surprofit à tous les autres. Voilà une profession qui sait profiter de l’Etat ! Elle fait accepter une politique de prix élevés garantis en période de lutte anti-inflationniste, un régime de gaspillage légal (montagnes de beurre et mazoutage de fruits) quand un tiers de la planète ne mange pas à sa faim. Elle impose une conception paradoxale de la solidarité : ce sont les ménages les plus modestes, dont le budget est le plus grevé par les dépenses d’alimentation, qui paient pour l’inefficacité moyenne de la profession. Quant à ceux qui profitent le plus des prix garantis, ce sont ceux qui vendent les plus grosses quantités. C’est-à-dire les plus riches. Enfin, en regardant les frontières verrouillées du Marché Commun Agricole, j’ajouterai ceci : l’Europe représente 250 millions de consommateurs parmi les plus riches à qui les plus pauvres des producteurs n’ont pas le droit de vendre. Il me semble que l’action la plus authentique en "faveur " du TiersMonde serait de donner à ses agriculteurs leur chance de proposer leurs produits sur nos marchés. La vache du riche pourrait enfin manger le grain du pauvre, pour le plus grand bénéfice de ce dernier.

- La Sécurité Sociale est une trappe à milliards. Les miraculeuses chirurgies et autres merveilles de la technologie médicale constituent un bon prétexte. Qui ne voudrait voter pour un gouvernement qui offre de vous opérer gratis à coeur ouvert ? Dans la réalité, 90 % des remboursements concernent des " petites " maladies (moins de 1.000 FF). Tout se passe comme si l’administration imposait un tarif, chipait 15 % au passage pour ses frais, et retournait le reste aux cotisants. On peut même soutenir que, comme la consommation médicale augmente avec l’éducation et le revenu, ce sont les plus indigents qui paient pour les cachets d’aspirine et les bas à varices de la bourgeoisie.

- Pour prendre l’exemple français, les fonctionnaires sont passés de 650.000 agents civils et militaires en 1914 après de 5 millions aujourd’hui, si l’on inclut les effectifs des para-administrations et des entreprises nationales à statut, comme EDF, la SNCF, etc... - soit de 3,2 % à 25 % de la population active. Ces employés (nos employés, devrais-je dire) s’octroient de nombreux privilèges, le plus visible étant la garantie de l’emploi. Un privilège couvert par la loi est déjà une authentique injustice. Mais comment qualifier un statut qui, pour assurer l’emploi des uns, force les autres au chômage ? Nous en sommes pourtant témoins :

État augmente la pression fiscale pour payer des fonctionnaires que la crise a rendus inutiles, ce qui cause directement des licenciements de la part d’entreprises incapables de supporter ces charges. Pour accepter cette situation, il ne faut pas avoir un sens de l’équité très chatouilleux.

Le prétexte est le " service public ". Or le simple fait de garantir l’emploi à vie de ces agents montre bien qu’on a aucune intention de tenir compte du public. Que nos besoins changent et nous continuerons néanmoins d’entretenir à force d’impôts un personnel inutile et inamovible (ainsi, que la CEE supprime les contrôles aux frontières communes des Etats membres est une facilité bienvenue, mais nos douaniers qui ne seront plus d’aucun service, devront continuer d’être salariés jusqu’à leur retraite et pensionnés ensuite, sur les deniers du public).

- Le gouvernement subventionne des entreprises publiques et même privées. La raison invoquée est généralement la défense de l’emploi. Difficile de se représenter devant des électeurs fraîchement licenciés. Malheureusement la soif du pouvoir fait oublier à ces politiciens la morale de l’Etat. Cela s’appelle abus de biens publics que de prodiguer a une société en mains privées l’argent de la collectivité. Même si elle est nationalisée, une firme ne devrait pas bénéficier de subventions qui faussent la concurrence. Il est intolérable de voir une usine fermer et ses ouvriers licenciés parce que sa rivale a enlevé les marchés à coup d’aides de l’Etat.

Ces subventions créent encore d’autres injustices. Alors que nous devrions être tous égaux devant la loi, nous constatons que ceux d’entre nous qui travaillent dans les grandes entreprises peuvent exercer un chantage sur le gouvernement à la première difficulté et détourner à leur usage et à la défense de leur emploi les finances publiques (les sidérurgistes lorrains en 1984, par exemple) - ce que ne peuvent espérer les salariés de firmes plus modestes.

La tentation est irrésistible pour les politiciens d’un régime démocratique de mettre au service de leur clientèle les pouvoirs du gouvernement. De leur côté, les électeurs, pourvu qu’ils soient bien organisés, ont vite mesuré le chantage qu’ils pouvaient exercer sur des hommes ambitieux en mal d’élection. À l’Etat-Arbitre succède l’Etatenjeu. Je caricature à peine en suggérant qu’il est plus rentable pour un viticulteur de faire pression sur son ministre en barrant l’autoroute des vacances que de vendanger. Chacun se bat, non plus pour accroître la production totale de richesses, mais pour capter le fruit du travail d’autrui que l’Etat collecte et redistribue.

Dans une économie libre, nous ne pouvons prospérer que par la coopération, la vente et l’achat volontaire de biens et de services. L’économie administrée confère une prime à une activité totalement improductive pour la collectivité et même destructrice, la pression sur les décisions du gouvernement, et oppose les citoyens entre eux : la manne publique sort des poches privées et elles ne sont pas insondables, les " droits " accordés aux uns le sont nécessairement au détriment des autres. " L’Etat, c’est la grande fiction à travers laquelle tout le monde s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde " (Frédéric Bastiat). Comme toutes les fictions, celle-ci connaîtra une fin. Les services de l’Etat ne peuvent être étirés à l’infini et le jour viendra où le pays ne pourra plus les payer. Mais quel gouvernement se soucie du long terme quand il risque de ne pas être réélu demain ?

À notre comédie de la " justice sociale ", il manque encore quelques rôles. Ce sont les professionnels de la solidarité. Ceux qui sont salariés par l’Etat pour fournir des prestations sociales n’ont pas le dévouement pour unique motivation. Enseignants, personnel hospitalier, travailleurs sociaux, au service du publie, ne sont pas en retard d’une grève sur leurs collègues, employés du privé, pour défendre leurs avantages. D’être fonctionnaire, on n’en est pas moins homme. Et ils attendent, intéressés, chaque nouvelle enchère dans l’âpre marchandage entre politiciens et assistés pour se retrouver un peu plus nombreux, un peu plus payés et un peu mieux " défendus ".

Q. - Nous avons quand même besoin d’instituteurs et d’infirmières, tu ne crois pas ?

R. - Certainement. Mais avec tout le respect que je leur porte, ces professions, pas plus que celles de ministre, de député ou de syndicaliste, n’incarnent l’intérêt général. Ces gens n’oublient pas leur propre compte quand ils "défendent " la cause du public. Et, quoi qu’ils disent, ce qui est bon pour eux n’est pas forcément bon pour tout le monde. Quand bien même ils seraient parfois désintéressés, ils pourraient encore se tromper : le statut de fonctionnaire ne confère pas l’infaillibilité. Nous sommes trop souvent dupés. Lorsqu’une société privée veut diffuser dés émissions de radio ou transporter des touristes en avion, on a tendance à supposer qu’elle nous exploite. Mais si des employés de l’Etat proposent ces mêmes services, ce n’est pas par dévouement pour le bien commun, malgré une illusion hypocritement entretenue. La SEITA, les Caisses d’Epargne, les banques nationalisées, Air-France, ne sont pas gérées au profit d’actionnaires, c’est vrai, mais pas non plus avec l’intérêt du public en vue. L’exploiteur de telles entreprises est le personnel, aussi avide de gains qu’il retire sous forme d’avantages sociaux qu’un capitaliste qui les sortirait en dividendes.

De tant d’expériences, le public a tiré sa conclusion. Il ne prête pas plus de foi aux slogans de la " justice sociale "qu’à ceux qui vantent les lessives. Mais il ne peut pas confesser ouvertement son cynisme. Le jeu politique exige une tenue correcte et chacun n’y participe que drapé dans des mots. Celui de " justice " est ample et recouvre chastement l’envie et les marchandages des biens d’autrui. Chacun sent que s’il se démasquait et réclamait un chèque à la collectivité, sans pudeur, sans l’invocation rituelle, il bouleverserait le mécanisme dont il espère profiter. Politiciens en campagne, syndicalistes et délégués de corporations en attente de nouveaux privilèges, la main dans la main, récitent des litanies dont le sens s’est enfui mais dont l’usage, hélas, ne va pas sans dommage.

Car c’est une règle fondamentale que la démocratie dispose l’égalité de tous devant la loi. Les peuples ont accompli vingt révolutions pour l’obtenir. Elle conditionne la justice. Or, elle n’est nulle part plus bafouée que chez ceux qui revendiquent la " justice sociale ". Une loi pour les agriculteurs et une pour les fonctionnaires et une pour les cadres et une pour les chômeurs et une pour les femmes et une...

Q. - N’est-il pas nécessaire que les minorités de la population, qui sont en retard socialement ou économiquement sur les autres, ou qui connaissent des conditions de vie spécifiques, soient au bénéfice de régimes particuliers ?

R. - Non seulement ce n’est pas nécessaire, mais c’est un mauvais service à leur rendre et, en plus, une atteinte grave à la société tout entière.

Ce n’est pas servir la cause des catégories sociales à problèmes que de les isoler. Il y a quelque temps, un ministre français a proposé de suivre l’exemple désastreux des Américains et de créer des quotas de places réservées aux femmes dans certaines fonctions. C’est l’exemple même du piège. Car il est encore assez difficile, malheureusement, aux femmes d’accéder à certaines situations, mais celles qui y parviennent n’ont plus rien à prouver. Tandis que si une femme occupe un poste qui lui était réservé, elle demeurera toujours la bénéficiaire sans mérite d’un passe-droit. Qu’elle s’exerce au détriment d’un groupe ou en sa faveur, une loi raciste ou sexiste reste une loi raciste ou sexiste. Seule une loi rigoureusement égale pour tous peut nous libérer et donner à notre personne l’occasion de s’affirmer.

Mais je dis aussi que la société s’affaiblit du mépris porté à ses lois. Quel respect pourrait encore inspirer une législation mitée de tant d’exceptions ? Chaque " catégorie sociale " déploie son petit parapluie de statuts et de règlements bien à elle. Chacune veut une loi conformée à ses besoins. La Loi n’est plus sacrée. Les chômeurs qui travaillent au noir rendent à ceux qui ont la garantie totale de l’emploi la monnaie de leur pièce. Volontairement ou sans même le savoir, chacun fraude une réglementation maniaque et n’en éprouve aucune culpabilité. Pas vu, pas pris. Et aux malchanceux qui tombent quand même, l’opinion accorde son préjugé favorable face à une administration hautaine, vexatrice et intouchable. Si la démocratie suppose le civisme, tu peux affirmer que la nôtre court un grave danger.

Il sera pratiquement impossible de revenir sur cette situation. La Nuit du 4 Août a vu une minorité abolir ses prérogatives. Mais on n’imagine pas une majorité dé toutes sortes de prébendes demander au gouvernement de lui appliquer un droit commun. La situation se débloquera seulement si des circonstances l’imposent aux politiciens, par exemple une faillite financière de l’Etat causant un traumatisme assez profond pour que chacun accepte l’inévitabilité de repartir sur de justes bases. Cela aurait pu se passer en France si les socialistes avaient été assez nigauds pour appliquer leur programme socialiste. Sans une conversion, au sens fort du terme, le pays s’enfoncera dans le sous-développement, comme une Chine paralysée par ses castes de mandarins.

Q. - Sombre destin.

R. - Je ne l’ai pas lu dans les étoiles.

Q. - Mais tu dis qu’il sera extrêmement difficile d’en changer.

R. - Après tout nous sommes libres et l’histoire nous enseigne des retournements spectaculaires. Pour

qu’une société de solidarité vécue et de justice indiscutable voie le jour, plusieurs mesures doivent être prises.

D’abord, réaffirmer le principe démocratique fondamental de l’égalité de tous devant la loi. Des commissions de juristes devront examiner chacun de nos textes législatifs et réglementaires et éliminer ceux qui introduisent entre les citoyens des discriminations. Ce sera la fin des législations créant des statuts : agriculteurs, fonctionnaires, cadres, chauffeurs de taxis, agents de change, commissaires-priseurs, la liste est longue. Employés et employeurs devront renégocier entre eux les conditions de leur collaboration, en dehors de toute contrainte législative, sauf éventuellement quelques dispositions générales, applicables à toutes les activités professionnelles, et obligeant chaque partie à informer l’autre clairement des conditions qu’elle propose.

Ensuite, enrichir le dialogue social. S’il se trouvait un homme politique assez honnête pour ne pas promettre la lune, les électeurs l’abandonneraient vite au profit d’un démagogue. C’est normal. Pour annuler cette condamnation à la surenchère, il faut que la Constitution " limite drastiquement les pouvoirs d’intervention du gouvernement dans le domaine social. Que le ministre puisse soupirer devant les quémandeurs qu’il aimerait tellement les subventionner si les lois lui en donnaient le pouvoir. Alors les relations à l’intérieur de la société se multiplieraient. Syndicalistes et patrons, artistes et mécènes, propriétaires et locataires, créanciers et débiteurs, malades et soignants, assureurs et assurés, consommateurs et producteurs, enseignants, parents et élèves, journalistes, publicitaires et lecteurs, devraient pour la première fois depuis longtemps se parler au lieu d’adresser leurs jérémiades aux pouvoirs publics., Ce que chaque partie réclame de la puissance étatique est qu’elle utilise la contrainte pour mettre à genoux l’adversaire. En s’interdisant solennellement l’engagement dans ces conflits, l’Etat permet une véritable négociation -et même l’oblige puisqu’il ne laisse pas aux parties la possibilité de recourir à la violence dont il exerce seul le monopole. Tout le monde sait que ces accords seront toujours provisoires, et heureusement : la tentation d’une société où tous les intérêts seraient fondus procède d’une vision politique totalitaire diablement dangereuse. Mais la négociation relie les citoyens et c’est aussi à la densité de ces échanges-là, et pas seulement aux scrutins, que se mesure la démocratie.

Il faut encore informer. Un système qui appelle les citoyens à prendre les décisions majeures veut logiquement qu’ils se prononcent en connaissance de cause. Pourtant la règle du socialisme, quelle que soit sa nuance, est de taire le coût de sa politique. Les écoles et les hôpitaux d’Etat nous paraissent gratuits ou presque, nous savons qu’il existe des logements largement subventionnés, que chaque passager de train et chaque motte de beurre reviennent cher, mais lesquels d’entre nous paient pour ces largesses, et combien, même un économiste professionnel est incapable de le découvrir. Chacun pourtant devrait savoir ce que coûtent les services qu’il utilise et donc pouvoir décider si ce qu’il reçoit vaut le prix qu’il paie. En France, si " ton salaire " est de F 6 000 par mois, tu ne palpes réellement que F 5 164 (chiffres de janvier 84), la différence représentant " ta " part des cotisations sociales. Mais ton employeur, lui, a déboursé F 8 791. Pourquoi fractionner les cotisations entre une pseudo-part-employeur et une pseudo-part-salarié, alors que le salarié est évidemment seul couvert par les prestations et seul à cotiser, même s’il n’en fait pas le geste ?

Q. - Ce serait en effet facile de faire figurer sur la feuille de paie la totalité des cotisations qu’il supporte -et c’est une réforme qui ne coûte rien.

R. - Gratuite pour l’entreprise mais très onéreuse pour le système. Car beaucoup d’employés, en découvrant chaque mois ce qu’ils paient de charges sociales, en concluront qu’ils feraient pour eux-mêmes un meilleur usage de cet argent. Ou bien ils mettront en question des impôts aussi énormes (70 % de leur salaire net actuel), ou bien ils exigeront pour cette somme un service autrement efficace. Voilà qui peut faire craindre pour leur train-train tous les fonctionnaires de l’Etat-providence. Mais forcer les employeurs à assurer des risques qu’ils n’encourent pas et à en dissimuler le prix aux bénéficiaires obéit encore à une autre logique, celle d’un mécanisme démocratique perverti qui permet de contraindre la minorité à payer pour les avantages que se vote la majorité. Or quelle victime plus docile que l’entreprise, qui évidemment ne vote pas ?

Il faut aussi, pour arriver à une société plus transparente, cesser de manipuler les marchés. S’il y a parfois des hommes trop pauvres, il n’y a jamais de prix trop élevés. Les produits s’échangent à des cours fixés par l’offre et la demande, il suffit à notre sagesse de les constater. À certains moments, des articles de première nécessité vont s’afficher à des niveaux inatteignables pour les budgets des plus malheureux. Ce sont ces budgets que des associations caritatives et privées doivent alors compléter par une aide et non pas les prix qui doivent être forcés à la baisse. Un contrôle des prix qui, non seulement pénalise des producteurs qui n’ont pas démérité, mais encore permet aux riches d’accroître à bon compte leur consommation, relève d’une conception assez tordue de la justice.

Un bon exemple de tels dévoiements est fourni par les logements que l’Etat loue bien au-dessous des taux pratiqués sur le marché. La liste d’attente est longue. On est élu ou rejeté selon des critères obscurs. En principe, les attributions se font " aux plus démunis ". Mais le concept même de HLM suppose des situations sociales figées. Heureusement, beaucoup de locataires connaissent des augmentations de revenus. Ainsi on en trouve qui continuent d’occuper ces logements, dont il est politiquement impossible de les expulser, et qui privent les plus pauvres

à qui ils sont destinés. Plutôt que de se substituer aux promoteurs immobiliers, il conviendrait que des associations appropriées allouent une aide à ceux dont les revenus manifestement ne permettent pas de se loger. Ces chèques, endossables seulement à l’ordre d’un propriétaire immobilier, seraient fonction des ressources du ménage, des personnes à charge, de la région géographique, etc., et pourraient diminuer, et même cesser, dès que la situation des intéressés le permettrait. Chaque allocataire saurait donc exactement ce qu’il en coûte aux autres de le loger. Et la même procédure peut se substituer à toute l’action " sociale " de l’Etat.

Encore une fois, ce sont les hommes qu’il faut aider, individuellement, directement. Tout ce qu’ils n’acquièrent pas avec les revenus que leur procure leur activité dans le marché doit leur être clairement notifié. Il n’y a pas de honte à être soutenu à certains passages difficiles de-la vie et aucune dissimulation n’est de mise. De savoir précisément combien il reçoit de la collectivité pour son logement, l’éducation de ses enfants, sa santé, est l’information indispensable d’un citoyen qu’on juge assez responsable pour lui demander de voter sur ces questions.

Opacifier le social, vanter les bénéfices d’une politique dont les coûts restent cachés, tromper les gens sur ce qu’ils paient, à qui ils donnent et de qui ils reçoivent, est la base même - et la faute première - de l’Etat-providence.

Nous la réparerons - est-ce encore possible ? - si nous distinguons formellement la société politique, celle que le citoyen construit avec son gouvernement, de la société, civile, ou les citoyens communiquent et échangent entre eux. Le gouvernement transgresse nuisiblement cette frontière chaque fois qu’il achète du politique (sa réélection) avec du social, comme le font les démagogies sociales-démocrates, ou chaque fois qu’il impose à la société une finalité, comme le pratiquent les totalitarismes.

C’est dans le silence du politique que le " social " prend sa véritable dimension. Le régime collectiviste ne rend pas ses administrés plus attentifs aux autres (au contraire, si l’Etat se mêle de tout, qu’il nous épargne donc la présence agaçante des pauvres !). Je donne à la solidarité sa chance seulement lorsqu’il appartient à moi, moi qui suis là, de soulager la détresse de cet homme, lorsque je me retrouve face à ma responsabilité parce que personne n’est payé pour intervenir à ma place.

Il faut cette séparation d’avec le social pour que la politique regagne la noblesse et l’intégrité qu’elle corrompt quand elle se fourvoie hors de son domaine. Il faut que la société civile soit transparente et autonome pour cesser d’être pornographique, pour que les hommes se rencontrent au risque de leur générosité et de leur indifférence, pour que leur justice soit fête.