Je suis un écrivain des dimanches pluvieux. Aussi, pour achever un si petit ouvrage, m'a-t-il fallu presque deux ans.
En le relisant, je m'aperçois que certains passages, s'ils devaient être réécrits aujourd'hui, le seraient différemment,en particulier quelques-uns concernant les nationalisations et l'éducation. Un nouveau gouvernement a inscrit à son programme l'ombre d'une amorce d'une privatisation partielle de l'économie, et on ne peut guère lui faire confiance pour aller plus loin. Il a annoncé quelques réformes de l'Education Nationale, si timides que j'en viens àdouter, après d'autres, que le chèque-éducation puisse réellement permettre aux familles d'échapper à la tutelle des fonctionnaires de l'Etat. Dans son principe même il contient une injustice, puisqu'il impose à ceux qui n'ont pas d'enfant, par choix ou par impossibilité naturelle, à payer pour l'éducation des enfants d'autrui. Cependant, dès l'origine mon parti-pris était de ne pas coller à l'actualité et ce n'est pas pour le défaut d'être daté qu'on pourra rejeter ce texte. Je pense bien au contraire que les idées qu'il défend nous sont plus que jamais nécessaires.
Pour leur donner leur formulation définitive, François Guillaumat m'a fait bénéficier avec patience et intelligence de sa grande culture.
Et pendant les longues heures qu'il m'a fallu pour les écrire, ma femme et nos enfants ont accepté de me voir m'isoler ; ma femme a suivi avec sympathie les lents progrès de ce livre. C'est le premier que j'écris. Avec amour, je le lui dédie.
Genève, le 24 Juin 1986 C.M.
Le combat des idées réserve de temps en temps la surprise agréable de tomber sur quelqu'un qui a tout compris des principes de la Justice et du Droit.
On ne trouve plus, hélas, dans les milieux universitaires, ces gens à l'esprit clair que parmi une élite restreinte. Le contrôle politique de l'enseignement, par l'intermédiaire de la pseudo-" gratuité " - avec l'alibi du " pluralisme " -, y a livré le pouvoir à des groupes qui consacrent plus d'efforts à des réunions syndicales qu'à la recherche ou à la transmission du savoir vrai. Cela fait que les thèmes politiques dominants y sont plutôt conformes à leur idéal confus de pouvoir sans responsabilité, et que la qualité de la pensée s'en ressent.
En revanche, les milieux d'affaires, et pour des raisons opposées, sont un grand vivier d'esprits lucides et sans complaisance, qui ont peu de temps à perdre avec les mythes de l'Etat-Père Noël, "'expression est de Von Mises) et savent que ce que les hommes de l'Etat ont " permis " qu'on fasse, pour reprendre leur inimitable jargon, c'est, littéralement, ce qu'ils n'ont pas empêché par la force des armes. Ils connaissent trop bien les limites de la décision collective pour avoir grande confiance dans les versions contemporaines de la social-" démocratie ", aussi bien quant à sa rationalité que ses moeurs...
Encore faut-il que ces gens prennent le temps de s'intéresser aux idées, de les mettre en forme, et qu'ils aient le goût d'écrire et d'écrire bien. C'est cette bonne fortune que nous avons avec Christian Michel.
Lorsque Christian Michel nous a envoyé le manuscrit de la liberté pour savoir ce que nous en pensions, j'ai immédiatement décidé de le publier. A mon sens, c'est-le premier livre facile à lire qui aille directement au fond des principes libéraux à partir des dernières analyses contemporaines. Toute la théorie de la création et de la transmission des informations par les prix du marché qui sous-entend la philosophie de Hayek est enfin exposée de façon simple.
L'économie de l'information révèle la parenté étroite entre l'économie et le Droit dès lors que l'analyse, comme celle de Ayn Rand, replace l'esprit humain au centre des phénomènes sociaux. L'esprit de l'homme est à la fois le siège des jugements de valeur - la valeur est un phénomène de la conscience - et le véritable producteur de toute richesse. Il est aussi celui qui a besoin de règles pour prévoir l'action d'autrui, pour agir et conserver les produits de son action passée.
Efficacité, Justice. Inséparables. Toute la théorie contemporaine de la liberté est là. Le livre de Christian Michel est donc le petit manuel que tout le monde attendait pour connaître la théorie de la liberté sous sa forme la plus avancée.
Certes, il a bien fallu aussi parler de ce à quoi nous ne croyons pas - que nous étions nombreux à croire avant de réfléchir sur ces matières. Christian Michel traite donc longuement de la " justice sociale ", et des difficultés insurmontables que rencontre sa définition concrète, du " service public ", qui ne se distingue du service privé que par la dispense que l'usage de la force publique lui donne d'avoir à servir le public pour en obtenir de l'argent. Il croit encore un peu à l'" égalité des chances ", qui n'est pourtant qu'un avatar de la " justice sociale " et aide trop souvent à passer sous silence l'énorme problème de la censure indirecte qu'impose la subvention publique à la production des idées.
Nous autres laissez-fairistes, nous fondons, en dernière analyse, nos convictions sur la logique la plus élémentaire et la plus évidente, et l'absurdité de l'étatisme nous apparaît chaque jour plus choquante : que dire d'autre d'un dogme qui postule essentiellement que la violence agressive peut produire de la valeur et créer de l'ordre quand ce sont les hommes de l'Etat qui s'y livrent ?
Nous avons oublié l'époque où nous aussi recherchions l'intervention publique " optimale ", la " bonne " distribution des revenus, et 'nous servions de concepts chargés de plus d'émotion que de sens véritable. Cela fait que nous passons trop souvent pour mépriser sans comprendre, et qu'on ne nous écoute pas toujours.
Christian Michel ne court pas ce risque : il a donné à son ouvrage la forme d'un dialogue, où le point de vue qu'il cherche à réfuter est exposé de la façon la plus convaincante possible, sans craindre d'y inclure les termes passionnels qui risquent d'impressionner en sa défaveur, et d'affaiblir sa thèse. C'est que, comme tout vrai libéral, il fait confiance à la capacité rationnelle d'autrui.
Il lui fait même tellement confiance qu'il vient de présider à la création d'un institut libéral à Genève. Ce sera l'Association des amis de la Liberté. Longue vie aux amis de la liberté.
Bibliographie Octobre 1986. |
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| Classiques ARISTOTE | - Ethique à Nicomaque, Paris, Garnier Flammarion. - La Politique, Paris, Garnier Flammarion. |
| BASTIAT Frédéric | - OEuvres Économiques, présentées par FI. Aftalion, Paris, PUF,
1983. - Propriété et Loi, suivi de l'Etat, Ed. de l'Institut Economique de Paris, 1985. |
| CONSTANT Benjamin | - De la Liberté chez les Modernes, Paris, Pluriel, 1980. |
| FRIEDMAN Milton | - Capitalism and Freedom, University of Chicago Press, 1962. |
| FRIEDMAN Milton & Rose | - La liberté du choix, Paris, Belfond, 1980. |
| HAYEK Friedrich | - La Route de la Servitude, trad. française, Paris, Librairie
de Médicis, 1946. - Scientisme et Sciences sociales, trad. Raymond Barre, Plon, 1956. - The Constitution of Liberty, University of Chicago Press, 1960. - Studies in Philosophy, Politics and Economics, University of Chicago Press, 1967. - Droit, Législation et Liberté, trad. Raoul Audouin, 3 tomes, Paris, PUF, 1980, 1982, 1983. - 1980's Unemployment and the Unions, Londres, Hobart Paperbacks, 2d ed., 1984. |
| DE HUMBOLDT Guillaume | - Essai sur les limites de l'Action de l'Etat, trad. Française, Paris, 1867. |
| LOCKE John | - Lettre sur la tolérance, trad. française. - Essai sur la véritable origine, l'étendue et la fin du pouvoir civil, trad. française. |
| MISES Ludwig v. | - Le Socialisme, Paris, Librairie de Médicis, 1946. - La Bureaucratie, Paris, Librairie de Médicis, 1952. - L'Action Humaine, Paris, PUF, 1985. |
| RAND Ayn | - For the new Intellectual, New York, Signet, 1961. - Capitalism, the unknown Ideal, New York, Signet, 1967. - La Source Vive, Paris, Olivier Orban, 1981. - Atlas Shrùgged, New York, Signet Books. - The Virtue of Selfishness, New York, Signet Books. - The new Left : the Anti-Industrial Revolution, New York, Signet Books. - Introduction to Objectivist Epistemology, New York, Signet Books. - Philosophy, who needs it ? New York, Signet Books. - The Romantic Manifesto, New York, Signet Books. |
| SMITH Adam | - Recherches sur la Nature et les Causes de la Richesse des Nations, trad. française, 3 vol., Paris, 1859 (extraits dans NI 378 de la collection Idées, Gallimard). |
| TOCQUEVILLE Alexis (De) | - De la Démocratie en Amérique, 2 vol., Paris, Garnier Flammarion, 1981. |
| - L'Ancien régime et la Révolution, Paris, Gallimard. | |
Autres ouvrages intéressants |
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| ANDERSON Digby (et alii) | - The Kindness that kills, London, SPCK, 1984. |
| ARENDT Hannah | - Essai sur la Révolution, trad. française, Paris, coll. TEL, 1967. |
| BAECHLER Jean | - Le Pouvoir pur, Paris, Calmann Lévy, 1978. |
| BAUER Peter | - Mirage égalitaire et Tiers-Monde, trad. française de Raoul Audouin, Paris, PUF, 1984. |
| BÉNÉTON Philippe | - Le Fléau du Bien, Paris, Robert Laffont, 1983. (Un excellent ouvrage qui apporte sur les méfaits de l'Etat providence une documentation qu'on ne trouve généralement que dans les sources américaines). |
| CANNAC Yves | - Le juste Pouvoir, Paris, J.C. Lattès, 1983. |
| CHAFAREVITCH Igor | - Le phénomène socialiste, Paris, Seuil, 1977. |
| COHEN-TANUGI Laurent | - Le Droit sans l'Etat, Paris, PUF, 1985. |
| FAGUET Emile | - Le Libéralisme (ouvrage ancien, sans beaucoup d'idées intéressantes, mais une mine de citations et de références historiques). |
| GARRIGUES Juan Miguel | - L'Eglise, la Société libre et le Communisme, Commentaire, Julliard, 1984. |
| GILDER George | - Richesse et Pauvreté, trad. française (mauvaise), Paris, Albin Michel, 1981. |
| HOWARTH Richard W. | - Farming for Farmers, Londres, Hobart Paperbacks, 1985. (Un excellent petit livre que devraient lire tous les Français prisonniers du lobby agricole). |
| KRISTOL Irving | - Two Cheers for Capitalism, New York, Mentor, 1979. |
| LEPAGE Henri | - Demain le Capitalisme, Paris, Pluriel, 1978. - Demain le Libéralisme, Paris, Pluriel, 1980. - Pourquoi la Propriété ? Paris, Pluriel, 1985. - Planification et Economie de Marché, Paris, Editions de l'Institut Economique de Paris, 1983. |
| LIPPMANN Walter | - The Good Society, London, 1937. |
| MILLON-DELSOL Chantal | - Essai sur le Pouvoir occidental, Paris, 1985. (Travail historique avec une excellente conclusion, qui pose bien le problème de nos démocraties contemporaines). |
| MIREAUX Emile | - Philosophie du Libéralisme, Paris, Flammarion, 1950. (Ouvrage plein d'erreurs méthodologiques, mais avec de nombreuses références). |
| NOVAK Michael (et alii) | - The Denigration of Capitalism, American Entreprise Institute, 1979. |
| POPPER Karl | - La Société ouverte et ses Ennemis, trad. française, 2
vol.,Paris, Seuil, 1979. (Riche ouvrage philosophique ; j'ai utilisé dans ce livre le concept poppérien de " Grande Société "). |
| RANGEL Carlos | - L'Occident et le Tiers-Monde, Paris, Robert Laffont, 1982. |
| RINGER Robert | - Restoring the American Dream, New York, Fawcett Crest, 1980. |
| ROTHBARD Murray | - For a New Liberty, New York, Collier Books, 1978. (Un grand classique du courant libertarien américain). - Individualism and the philosophy of the Social Sciences, San Francisco : Cato Institute, 1980. - Power and Market, Sheed Andrews & Mc Meel Kansas City, 1970. - Man, Economy and State, Los Angeles, Nash, 1980. - The Ethics of Liberty, Indianapolis, North Shadeland, 1981. - Toward a Reconstruction of Utility and Welfare Economics 1 Center For libertarian Studies. New York, 1977. |
| SALIN Pascal | - L'Arbitraire Fiscal, Paris, Laffont, 1985. - Le Piège de la participation obligatoire dans les entreprises, Paris, Editions de l'Institut Economique de Paris, 1984. |
Ouvrages d'Auteurs qui ne sont pas des libéraux
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| BARRET-KRIEGEL Blandine | - L'Etat et les Esclaves, Paris, Calmann Levy. |
| CONCHE Marcel | - Le Fondement de la Morale, Ed. de Megare, 1982. |
| GRIFFITHS Brian | - Morality and the Market Place, London, Ecclesia Books,
1982. - The Creation of Wealth, London, Hodder & Stoughton, 1984. (Ouvrages qu'Ayn Rand aurait qualifié de " mystiques "). |
| GRIMALDI Nicolas | - Aliénation et Liberté, Masson & Cie, 1972. (Que j'ai suivi de très près dans mon Chapitre 4). |
| KOLM Serge-Christophe | - Le Libéralisme moderne, PUF, 1984. (Ouvrage qu' Ayn Rand aurait cette fois qualifié d' "altruiste"). |
| MAGGIORI Robert | - De la Convivance, Paris, Fayard, 1985. |
| MAREJKO Jan | - Jean-Jacques Rousseau et le Désir totalitaire, L'Age d'Homme,
1984. - Chroniques d'un Révolutionnaire conservateur, L'Age d'Homme, 1985. |
| ROSANVALLON Pierre | - Le Capitalisme utopique, Paris, Seuil, 1979. - La Crise de l'Etat-providence, Paris, Seuil, 1980. |
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Dans le chapitre sur les Nationalisations je me suis également servi des articles d'Evelyne
Pisier-Kouchner dans la revue " Esprit " de Décembre 1983et d'Albin Chalandon dans " Le
Monde " des 11 et 12 juillet 1984.
"Deux ou trois choses que je sais d'elle..." est le titre d'un film de Jean-Luc Godard. |
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